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QUAND DEUX CHAMPAGNE S’AFFRONTENT

Il n’y a pas qu’au football que la petite Suisse ose affronter sa grande voisine française. Enfant terrible dans la gamme des vins de la Cave des Viticulteurs de Bonvillars, le vin issu de la commune de Champagne fait buller les champions mondiaux des vins effervescents. Malgré le prestige de cet illustre opposant, la Communauté de la vigne et du vin de Champagne a toujours mené fièrement son combat afin d’être autorisée à afficher le nom de sa commune sur ses bouteilles.

Une histoire bien plus ancienne

Historiquement, il n’y a pas photo. Le plus ancien document de Suisse romande atteste de la présence de vignes dans la commune vaudoise de Champagne en 885 déjà. Seulement voilà, près de 1’100 ans plus tard, en 1974, la Suisse et la France ont signé un traité portant sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques. Dès ses premières années de vie, la Cave des Viticulteurs de Bonvillars désigne parmi ses crus un chasselas de Champagne, conformément à la Loi vaudoise sur les appellations. Si seulement les Suisses avaient eu la bonne idée de protéger l’appellation Champagne dans ce traité de 1974!

Les bulles de Jacques Chirac

C’est en 1998 que les choses s’enveniment pour la commune de Champagne, alors que la Suisse se trouve en pleines négociations bilatérales avec l’Union européenne (UE), dont elle ne fait pas partie. Pendant cette période, le président français de l’époque, Jacques Chirac, s’est rendu en visite à Berne. Alors que le président de la Confédération suisse venait de porter un toast aux relations sans nuage entre la France et la Suisse, Jacques Chirac a lancé: «Il y a une bulle». Il voulait bel et bien parler du vin de la commune de Champagne, dont le cas figurait dans le rapport de l’Exécutif européen comme une violation du traité de 1974…

Bulles or not bulles, that is the question !

A peine ce différend a-t-il été révélé au grand jour qu’un comité de défense de l’appellation Champagne a entamé son combat. Elle refuse de rester la seule commune vaudoise à se voir interdire de mentionner son nom sur les étiquettes de ses vins! Elle comprend que la Champagne française se doit de protéger ses produits. Cependant, elle a déjà bien fort à faire avec les nombreux vins mousseux la plagiant à travers le monde, sans s’attaquer à la petite vinification de chasselas qui diffère en tous points d’un vin effervescent! Rien n’y fait et la Confédération finit par accepter un deal afin d’entériner les accords bilatéraux: la compagnie aérienne suisse se verra octroyer son escale à Paris, si on sacrifie les étiquettes des vins de la commune de Champagne.

De nouveaux rebondissements en 2021

Depuis, la Communauté de la vigne et du vin de Champagne mène encore et toujours le combat, même après avoir perdu son procès devant la Cour européenne de justice en 2007. Elle a entrevu une belle lueur d’espoir en janvier 2021, quand le Conseil d’Etat vaudois lui a accordé la création d’une AOC «Commune de Champagne», en tant que soutien moral et légal. Trois mois plus tard, cette nouvelle AOC se voyait rejetée par la Cour constitutionnelle vaudoise, toujours au nom des accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE. Le combat se poursuit, puisque la Communauté de la vigne et du vin de Champagne a déposé un recours contre la décision de la Cour constitutionnelle. Le Conseil d’Etat, quant à lui, a également fait recours auprès du Tribunal fédéral.

Et le vin dans tout ça ?

Quelle que soit son appellation, le chasselas de la commune de Champagne continuera toujours à faire des heureux! Beau revers de la médaille, ce combat France-Suisse amène un coup de projecteur sur le vin de ses irréductibles qui compte de nombreux adeptes. Pour la vente en Suisse, l’étiquette a dû se délester d’une lettre et adopter le nom de C-ampagne. Il est également commercialisé en Europe sous les appellations Bonvillars et Libre-Champ.